Il n'y aurait donc plus d'OVNI ?
En dépit de ce qu’annonce la devise du Blog Autre (« Ce que l’on ne voit jamais à la télé, ce que l’on n’entend jamais à la radio, ce que l’on ne lit jamais dans les journaux »), ce second article va s’intéresser au numéro du magazine Sciences et Avenir de ce mois-ci. Ouais, je sais, on peut considérer ça comme de la pub mensongère – voire carrément comme de la malhonnêteté intellectuelle – que d’arborer fièrement un slogan qui s’apprête à être contredit par ce qui est censé le justifier, à savoir le contenu du blog lui-même. Mais si j’ai décidé de reprendre une analyse que l’on peut lire dans un journal grand public disponible dans tous les kiosques de France et de Navarre, c’est parce que celui-ci annonce d’une manière tonitruante une nouvelle assez stupéfiante, à savoir la fin des OVNI. Ni plus ni moins.
Mais comment Sciences et Avenir en est arrivé à cette conclusion à la fois surprenante et attristante ? Quels arguments avance-t-il ?
1) Les OVNI se sont démocratisés. Apparitions d’abord marginales intéressant seulement une poignée de curieux un peu illuminés, ils sont entrés aujourd’hui dans les mœurs et la culture collective. Par le biais notamment de plusieurs événements médiatiques (la série X-Files, la fausse autopsie de l’extraterrestre de Roswell en 1995), la culture OVNI s’est répandue en effet dans les foyers et a été assimilée par chaque citoyen. D’où une banalisation du phénomène qui l’a débarrassé de l’aura mystérieuse et extraordinaire qui l’enveloppait jusque-là. Les ovnis ont quitté le ciel pour investir les chaînes de télévision et les journaux. Le capitalisme les a absorbés pour les transformer en un produit culturel mainstream, en une donnée marchande comme n’importe quelle autre.
2) Les OVNI ont laissé la place à la théorie du complot. Depuis quelques années, l’intérêt que suscitent les ovnis s’est déplacé : ce ne sont plus les entités célestes en elles-mêmes qui préoccupent mais l’idée que celles-ci puissent être la manifestation d’une vaste conspiration menée à l’échelle mondiale (et qui peut très bien ne pas concerner les extraterrestres). C’est la fameuse théorie du complot, à savoir la croyance en une autorité secrète élitiste qui, tout en manipulant les masses, exercerait un pouvoir illégitime dans le but d’arriver à des fins qu'elle seule connaît. La série X-Files a contribué à populariser ce mythe d’une vérité suprême cachée par un groupe d’individus. Et aujourd’hui, une bonne partie de l’opinion – voire même des spécialistes en ufologie – est persuadée que les ovnis sont un phénomène lié aux activités souterraines de cette communauté occulte, qu’ils ne sont que la partie visible d’un immense iceberg.
3) La recherche scientifique n’est pas efficace. Si les ovnis ont disparu, c’est peut être aussi parce qu’on les cherche mal. C’est ce que suggère Pierre Lagrange, anthropologue des sciences. Les appareils dont se servent les scientifiques sont mal calibrés, mal ajustés ; ils mettent de coté facilement des phénomènes que l’on pourrait pourtant considérer comme d’éventuels ovnis. Mais c’est surtout la démarche scientifique des chercheurs dans son ensemble qui est problématique. Elle s’avère trop rigide, trop sélective ; elle n’est donc pas en mesure d’aboutir à des résultats positifs. Il faut élargir les critères de recherche et faire preuve de plus d’ouverture. Bref, il faut un vrai programme de recherche organisé autour d’un réseau d’informations et de données concrètes.
4) Les OVNI sont là mais c’est l’homme qui ne les voit pas. Non seulement parce que, comme on vient de le voir, la ligne de conduite scientifique qu’il se fixe pour trouver des ovnis n’est pas opérante mais aussi parce qu’il n’est pas assez armé technologiquement pour les repérer. Imaginons que les manifestations célestes non identifiées soient l’œuvre d’une intelligence extraterrestre vieille de une ou deux millions d’années, comment dans ce cas l’être humain, du haut de ses quelques milliers d’années d’existence seulement, pourrait-il être capable de les reconnaître et de les comprendre ? On peut envisager aussi le cas de figure selon lequel les ovnis seraient les traces involontaires de visiteurs de l’espace ne cherchant pas à se montrer. Cela supposerait qu’il existe dans l’univers des civilisations bien plus développées qui s’interdiraient toute interférence avec l’homme, peut-être jusqu’à ce que celui-ci ait atteint un certain niveau technologique (ou un certain niveau de sagesse). La Terre serait alors un zoo, une sorte de parc naturel visité régulièrement par des extraterrestres venus procéder à diverses observations ou curieux de voir comment évolue la civilisation humaine.
5) Les OVNI ont disparu parce qu’ils n’existent pas, tout simplement. Si les ovnis devaient être des vaisseaux spatiaux en provenance d’autres planètes, cela signifierait que les êtres qui les ont conçus bénéficient d’une technologie extrêmement poussée et développée par rapport à la nôtre. Car les voyages interstellaires exigent une maîtrise de techniques extrêmement complexes à mettre au point (obligation de se déplacer à une vitesse proche de celle de la lumière, fabrication et exploitation d’antimatière, hibernation, utilisation possible des trous de ver qui relient deux points différents de l’univers, etc.), tellement complexes qu’il est tout à fait possible qu’aucune intelligence ne soit parvenue à les domestiquer jusque-là. Aussi, la Terre n’a peut-être jamais reçu la visite de qui que ce soit depuis un ailleurs galactique. Les ovnis seraient alors des manifestations d’une tout autre nature, bien plus triviales que l’hypothèse extraterrestre (phénomènes météorologiques, confusion avec des objets artificiels tels que des avions ou des satellites, canulars, etc.). Cet argument a tout de même de grosses limites : les E.T. peuvent très bien jouir d’une technologie tellement en avance qu’ils ont trouvé depuis longtemps des moyens de résoudre les difficultés liées à l’immensité et à la complexité de l’univers que nos pauvres cervelles sont encore absolument incapables d’imaginer !